L’éducation est une épée à double tranchant. Elle peut devenir dangereuse si elle n’est pas maniée correctement. (Wu Ting-Fang)
Comme nous commençons à le voir, le mieux-apprendre est tout sauf une science. Cette « discipline pédagogique de l’action » repose plutôt sur le bon sens, mais aussi sur notre propre capacité à oser nous remettre en question et tenter quelque chose de nouveau. Il est aisé de comprendre que sur ce registre-là, le développement personnel (pfffft…. encore un truc aux contours pas toujours très précis, encore une galaxie, quoi… :-)), bien que complètement « déconnecté » du mieux-apprendre à proprement parler, peut avoir un rôle essentiel à jouer dans une pareille démarche. Étant donné que ce fut mon cas, et que j’en ai retiré un énorme bénéfice, je n’hésite pas à développer ce sujet ici (…que les éventuels puristes des deux galaxies en question daignent me pardonner).
Être au clair avec nos propres croyances et nos propres émotions
Il est aisé de remarquer qu’une grande partie du succès ou de l’échec d’une démarche d’apprentissage tient aux représentations mentales que les uns et les autres se font de l’apprendre, de « l’idée qu’ils s’en font », en quelque sorte. L’acte d’enseigner, de former, n’étant pas de tout repos (…certains d’entre vous l’ont peut-être déjà remarqué 🙂), il est naturel qu’en pareil cas nous ne mettions pas toujours le plus grand empressement à sortir du connu pour aller vers ce qui ne l’est pas…
En outre, pour accepter ne serait-ce que l’idée d’apprendre (dans le sens « enseigner ») en s’amusant (…ce qui, rappelons-le, fait partie des fondamentaux du mieux-apprendre), il est indispensable d’être au clair avec nos propres croyances et émotions. En général, plus on possède un bagage intellectuel conséquent, plus on est en mesure d’invoquer – à juste titre – de raisons pour expliquer que notre propre conduite ne doit pas se laisser guider par nos émotions.
Les croyances limitantes, ça limite, mais d’un autre côté, les croyances portantes, ça porte… 🙂
J’ai abordé plusieurs fois ici la notion de « croyance », en particulier pour ce qui concerne les croyances en nos propres capacités (j’ai parlé de croyances limitantes). Nous savons qu’une croyance limitante a pour effet de diminuer de facto nos performances dans la matière étudiée. Mais il faut également bien considérer qu’à l’inverse, une croyance diamétralement opposée (qu’on peut appeler croyance portante) aura pour effet… de les augmenter ! En d’autre termes, nous ne savons jamais avec exactitude jusqu’où nous pouvons aller, mais ce qui est sûr, c’est que si nous « n’y croyons pas », nous irons moins loin… et que si nous « y croyons », nous irons plus loin ! D’où les nombreux aphorismes du style « Ils ne savaient pas que c’était impossible, du coup ils l’ont fait ».
Les émotions sont de très mauvais maîtres, mais…
Quant aux émotions, si nous savons tous instinctivement qu’elles sont de très mauvais maîtres, on ignore parfois – jetant inconsidérément le bébé avec l’eau du bain – à quel point elles peuvent se révéler d’excellents auxiliaires, à condition toutefois que nous ayons acquis une capacité à « arbitrer » de manière satisfaisante nos éventuels conflits intérieurs en la matière. Faute de quoi la solution – et c’est bien compréhensible – que nous adoptons le plus souvent consiste tout simplement à nous couper purement et simplement de nos émotions pendant l’exercice de nos fonctions (ce qui me paraît dommageable pour tout le monde, surtout en situation de formation, que ce soit pour le formateur ou pour l’apprenant). Or, on sait confusément qu’il est illusoire de vouloir les accrocher, ces satanées émotions, au mur, à côté de notre manteau en arrivant le matin, pour les récupérer le soir en partant. Mais bon, faute de mieux, on fait comme si…
Se couper de ses émotions, est-ce rédhibitoire ?
Celui qui « se coupe de ses émotions » pourra peut-être accéder à toutes les connaissances livresques et théoriques qu’il voudra (…dans des cas pas si isolés que ça, ce sera même pour lui un salvateur refuge), mais il prendra – de ce fait – le risque de passer à côté de phénomènes (beaucoup plus nombreux qu’il n’y paraît) se prêtant peu, voire pas du tout à l’analyse intellectuelle. Et il passera – vis-à-vis de ses éventuels amis moins lettrés que lui – comme quelqu’un de très brillant, et même, si ça se trouve, je sais pas moi, peut-être pour un expert de la méta-cognition (…rires dans l’assistance), mais en même temps, ce faisant, il risque fort d’être perçu comme quelqu’un « qui passe à côté de l’essentiel », ce qui ne manquera d’ailleurs pas de l’irriter au plus haut point. L’évidence, pas plus que l’essentiel, ne se prêtant volontiers à l’explication (« si tu ne comprends pas ce qui est évident, nous ne pouvons rien pour toi ») nous nous dirigeons encore vers un dialogue de sourds, et notre fameux lettré, déconfit et frustré par cet état de choses, n’aura de cesse que de se réfugier auprès de ses pairs, nettement plus « civilisés » que tous les goujats qui « refusent le dialogue » !
L’histoire d’un formateur en informatique qui rêvait de donner des cours de ressources humaines…
Je me souviens très bien qu’il y a bien longtemps, alors que j’étais un jeune formateur en informatique, très à l’aise dans le domaine de « la logique », du « démontrable »,du « factuel »… j’étais en même temps très intrigué et très attiré par le contenu de tous les catalogues de stages de formation tournant autour des ressources humaines, de l’animation et du management d’équipe, et plus généralement du comportement. Je me demandais bien à partir de quoi on pouvait arriver à dire quoi que ce soit de pertinent… et – surtout – faire face aux attentes et réactions des participants, sur des sujets aussi vastes que la manière de communiquer en situation difficile ou hostile, l’accompagnement au changement, la gestion de son propre stress, la prise en compte de celui des autres, les attitudes appropriées en situation d’entretien, de réunion, de conflit, la préparation de sa retraite, la dynamisation des équipes, le renforcement de sa propre performance managériale, l’animation d’une équipe de travail en situation non hiérarchique, ou à distance, et j’en passe…
Dis-moi, cher ami, comment fais-tu, toi ?
A un de mes amis, qui exerçait cette activité (et semblait d’ailleurs s’en tirer parfaitement indemne), je me souviens même m’être ouvert de mon attirance pour ces sujets, et en même temps de l’angoisse qu’ils suscitaient en moi. Par exemple je me souviens parfaitement avoir formulé mes craintes d’alors à peu près en ces termes : « Comment diable pourrais-je me passer de la présence physique des ordinateurs, présence qui m’a toujours rassuré lorsque un de mes participants, manifestant des états d’âme inattendus, semblait vouloir amener le groupe vers des rivages ne faisant pas vraiment partie du programme prévu… comment, disais-je, imaginer pouvoir me passer de cette présence si salvatrice pour moi (…celle des ordinateurs), puisqu’il m’a toujours suffi d’un effort minime, parfois d’un simple geste désignant les ordinateurs de la salle, pour que les choses rentrent très vite dans l’ordre, parfois à ma grande surprise, et – toujours – pour mon plus vif soulagement ? »
S’il vous manque un élément… inventez-le !
Capturons nos rêves…
…Après avoir entendu le récit de mes inquiétudes d’alors, mon ami éclaté d’un rire sonore, puis m’a répondu quelque-chose dans ce goût-là : « Eh bien, qu’à cela ne tienne, si tu n’as plus d’ordinateur dans ta salle pour te rassurer, tu n’auras qu’à t’en inventer un et faire comme s’il y était ! Pour y arriver facilement, va donc suivre une formation en développement personnel, et si c’est bien fait, tu verras, tout marchera comme sur des roulettes ! ».
Sur le moment j’ai trouvé cette idée totalement incongrue… et pourtant, j’ai mis un point d’honneur à suivre le même cursus de développement personnel que mon ami (en effet, j’avais entièrement confiance en son témoignage… Du coup, j’en ai pris pour deux ans, à raison d’un weekend par mois !). Et je suis en mesure d’affirmer aujourd’hui qu’entre ça et je ne sais quelle démarche épistémologique (je pouffe…) il n’y a vraiment pas photo pour qui veut vraiment apprendre à « retomber sur ses pattes »…
Tout est dans la tête…
Par la suite, l’expérience m’a montré qu’effectivement TOUT était dans ma tête, et que j’étais en quelque sorte « mon pire ennemi » à chaque fois qu’il s’agissait d’adopter des postures, des attitudes, ou des comportements… auxquels je ne parvenais pas.
Peut-être ai-je eu besoin quelque temps d’imaginer la présence d’un ordinateur lors des premières interventions en communication (que j’ai dispensées par la suite, quelques années plus tard, et que je continue à dispenser aujourd’hui) ? Très franchement je ne m’en souviens plus. Il est probable que non.
Car la formation en développement personnel que j’ai suivie, donc, m’a également montré que j’avais également un meilleur ami… et que là aussi il s’agissait… de moi-même ! La différence c’est que maintenant j’ai beaucoup plus de choix ! Libre de suivre les injonctions de mon pire ennemi ou de mon meilleur ami, il m’arrive rarement d’hésiter. Je peux donc désormais maîtriser un éventail de situations infiniment plus grand qu’à l’époque. Encore une fois, il n’y a pas photo, pour moi c’est donc « Merci le développement personnel ! »
Comment peut-on présenter le développement personnel ?
Défini par certains sociologues comme un « bricolage » syncrétique de pratiques et de croyances (sic !), le développement personnel vise à harmoniser les rapports du conscient avec l’inconscient et ayant pour but le développement de la personnalité de l’individu pour une meilleure connaissance de soi, des autres, et des mécanismes de relations interpersonnelles. Il a favorisé l’émergence du concept de « scénario de vie », qu’il définit comme une approche personnelle de la vie, où chacun peut se forger sa propre image de soi et sa manière de faire face aux problèmes. Ce concept a été repris par plusieurs théories managériales (avec le MBTI) qui l’ont traduit (avec plus ou moins de bonheur) par la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Tout en puisant ses origines chez des psychanalystes (notamment Carl Gustav Jung et Alfred Adler), le développement personnel se place dans une optique résolument pragmatique, à l’anglo-saxonne : Plutôt que d’entrer dans une (parfois très longue ) période d’analyse introspective (un peu comme on entre en religion), le développement personnel nous permet plus prosaïquement de modifier, parmi nos habitudes, représentations et schémas de comportement, ceux que nous jugeons inadaptés (…aux autres, au contexte, aux circonstances, que sais-je encore ?).
Quels concepts abordés (et surtout travaillés) en développement personnel peuvent-ils être utiles en situation d’enseignement et d’apprentissage ?
Là aussi, je donnerai une liste forcément subjective, et forcément incomplète…
Les croyances |
Elles tournent autour de tout ce qui nous permet ou nous interdit de faire quelque chose. |
La confiance en soi |
Un cuisant déficit chez beaucoup d’entre nous… Si nous n’en sommes pas suffisamment pourvus, nos apprenants le sentent forcément ! Comment pouvons-nous prétendre les aider efficacement, dans ces conditions-là ? |
Les facultés sensorielles : auditives, kinesthésiques (le toucher), gustatives, olfactives |
Leur étude nous montre à quel point chacun de nous perçoit la réalité d’une manière qui lui est propre (d’où des notions telles que les intelligences multiples, ou le « mode préférentiel d’apprentissage »…) |
Les métaphores |
D’une puissance extraordinaire (parce que s’adressant directement à nos perceptions), elles sont à la base même de toute activité pédagogique. |
La communication interpersonnelle |
Savoir décortiquer son fonctionnement permet incontestablement d’être beaucoup plus efficace, notamment par les techniques d’écoute active et de reformulation. |
La congruence |
Correspondance exacte entre l’expérience et la prise de conscience (…cohérence interne, si on veut) |
La gestion des objectifs personnels |
Pour mettre en place des stratégies qui tiennent la route |
La gestion du changement |
Ou comment progresser sans se renier… |
Les pièges du langage |
Nous accordons à la parole des vertus magiques… pour le meilleur, mais aussi pour le pire ! |
La ligne du temps |
Nos différentes façons de gérer et cadrer le temps |
Éléments de dynamique des groupes |
Étude de plusieurs mécanismes courants (comme celui de la pression de conformité) |
Les émotions |
Très mauvais maîtres, mais excellents auxiliaires, comme on l’a vu… |
Citons quelques méthodes…
On peut aujourd’hui dénombrer les méthodes de développement par dizaines (faisant un choix forcément subjectif, je citerai simplement ici l’analyse transactionnelle, l’art-thérapie, le coaching, la communication non violente, l’ennéagramme, l’hypnose, la méthode Coué, la programmation neurolinguistique, le qi gong, la relaxation, le rêve éveillé, la scénothérapie, la sophrologie, le training autogène et le yoga).
Bon. C’est bien gentil tout ça, mais que choisir ? Et que faut-il éviter ?
J’imagine qu’à ce stade, une personne intéressée par tout ça ne saura pas forcément « par quel bout l’attraper »… ce qui est parfaitement compréhensible 🙂
Surtout que ces techniques (et leurs inévitables débordements) charrient inévitablement avec elles comme une odeur de soufre, tant il est vrai que dans l’imaginaire collectif, on y associe souvent des histoires de manipulation, ou de dérives sectaires, de gourous… parfois à juste titre !
Encore une fois, gardons-nous bien de jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour comprendre comment tout cela fonctionne, prenons un exemple qui vous surprendra peut-être, celui des pédophiles : on sait que ceux-ci sont naturellement enclins à choisir des activités – ou même une profession – les mettant en contact avec les enfants. D’où le syllogisme courant : La plupart des pédophiles travaillant avec la petite enfance, certaines personnes en concluent un peu hâtivement que la plupart des travailleurs de la petite enfance seraient pédophiles (?!), sur le modèle archi-connu de « Tous les chats sont mortels. Or Socrate est mortel, donc Socrate est un chat ».
Eh bien il en va de même avec la question du développement personnel et des gourous. Il est évident que tout gourou qui se respecte (…façon de parler, hein ?) ira tôt ou tard s’intéresser aux techniques de développement personnel ! De là à en conclure que « ça marche dans les deux sens », c’est aller un peu vite en besogne. Mieux, même : Plus nous serons nombreux à connaître ces techniques-là, plus nous serons armés pour nous défendre (et défendre les nôtres) contre les manipulateurs et les gourous. Par exemple, je peux vous dire que lorsque l’occasion m’en est donnée, j’assiste toujours avec une joie sans mélange aux joutes oratoires auxquelles les hommes politiques aiment tant se livrer sur les médias audiovisuels… incontestablement, ils ont été abreuvés à des sources que je peux très souvent identifier, et je suis très heureux de pouvoir ainsi décrypter nombre de leurs mécanismes… Plus nous serons nombreux à le faire, et mieux ce sera, ne serait-ce que pour des « raisons démocratiques » !
Voilà. Si après ces lignes, vous êtes toujours tentés par la question de savoir comment vous initier à tout ça, je me propose de vous amener des billes sur cette question, mais aussi sur les points communs (…car il y en a ! ) qu’on peut trouver – du moins de mon point de vue – à la plupart des techniques de développement personnel, et ceci dans le prochain article à paraître ici.
Bien à vous,
Bernard