Apprendre mieux

Un blog de Bernard Lamailloux – ingénierie pédagogique et artistique

Archives du “octobre 27, 2012”

Apprendre mieux ? (découverte de la grande galaxie du mieux-apprendre)

Que sait-il de l’amour, ton cerveau, pauvre Luis ? Rien. Il sait, par ouï-dire, que l’amour existe mais il ne sait pas le goûter. Que sait-il d’une pomme ? Son poids, sa couleur, sa chimie. La formule chimique d’une pomme nourrit-elle ? Non, mais le cerveau s’en moque. Il ne se nourrit pas de pommes, il se nourrit d’informations. Il les stocke, il les accumule, il les empile, il les interprète, il s’en bâtit des systèmes, des romans, des euphories et des angoisses. Il ne vit pas, il fonctionne. (Henri GOUGAUD : « Les sept plumes de l’aigle ».)

Bonjour,

Cet article est le tout premier d’une série consacrée au phénomène du mieux-apprendre.

Quand on s’intéresse aux grands courants de la pédagogie, on a coutume de citer le cognitivisme, constructivisme, le socio constructivisme, le behaviorisme… que sais-je encore ?

Ces différents courants sont dûment répertoriés, homologués, labellisés et étiquetés… mais par qui ?

…Eh bien, c’est simple : par de doctes personnes dont la principale mission consiste à répertorier, homologuer, labelliser et étiqueter des choses. Or, pendant ce temps-là, le monde bouge, évolue, et tout un pan de la réalité de situations d’apprentissage se développe, croît et existe tout tranquillement en parallèle, à côté du reste. Dans un certain nombre de cas, cela se produit sans que nos chers répertorieurs-homologueurs-labelliseurs-étiqueteurs ne paraissent le moins du monde concernés !

Littérature grise…

Lorsqu’il m’est arrivé d’en croiser (essentiellement à la fac) et de leur montrer des ouvrages portant sur ces sujets-là et expliquant ce qui s’y passe, la très grande majorité  de mes professeurs m’opposaient en général une fin de non-recevoir, sans même daigner jeter le moindre regard là-dessus, au motif que cela appartenait à ce qu’ils appelaient très joliment de la « littérature grise » !

Pour les non-initiés, je précise que la littérature grise, dans la bouche des répertorieurs-homologueurs-labelliseurs-étiqueteurs, désigne tout ce qui se publie en-dehors des revues universitaires. Voilà en effet une manière plutôt cavalière, mais fort commode, de laisser dans l’ombre une bonne part du réel, tout en permettant de rester dans l’entre-soi de tous ceux qui – certes – ont compris tout l’intérêt qu’il peut y avoir à se réfugier dans la réflexion… parfois même jusqu’à aller se retrancher le plus loin possible de l’action.

De bien tristes prestidigitateurs

Bien entendu, je ne parle pas ici de l’ensemble des professeurs d’université, loin s’en faut, mais tout de même d’une bonne partie d’entre eux qui (hélas) tient le plus souvent « le haut du pavé », comme on dit. Ces personnes-là ont une fâcheuse tendance à repousser d’un revers de main, et sans aucun état d’âme, tous les faits qui ne concordent pas avec leur sacro-sainte « validité scientifique » du moment. Le fameux classement de Shanghaï (sur les universités dans le monde) les place-t-il dans une position délicate, au motif que notre pays – pourtant inventeur de l’université ! – est en train de tomber en chute libre dans ce classement  ? Que nenni, il suffit de déclarer que les critères de ce classement ne sont pas appropriés, et hop, le tour est joué !

Au procès de Galilée, ils étaient déjà là, pour déclarer sans rire « …que les météorites ne peuvent pas être des pierres qui tombent du ciel, puisqu’il n’y a pas de pierres dans le ciel ».

Tous les jours, en pédagogie des adultes notamment (oui, je sais, il faudrait théoriquement que j’emploie le terme « andragogie », mais voyez-vous comme c’est bête, il est important pour moi de me faire comprendre du plus grand nombre, quitte à prendre le risque de chagriner tous les Diafoirus du moment…) Tous les jours, disais-je, ces concepts sont utilisés par des centaines de milliers de personnes. Pour vous en persuader, rendez-vous chez votre libraire préféré.. quittez le rayon « Pédagogie » et approchez-vous des rayons intitulés « Entreprise », « Vie pratique », voire « Développement personnel » (Remarque : si d’aventure un ou plusieurs de ces mots vous donne des boutons, aucun souci, retournez donc vous réfugier bien au chaud dans vos bonnes vieilles habitudes 🙂

Je vais vous confier une chose toute bête : Quand j’ouvre un livre traitant de pédagogie, et que ça jargonne du début à la fin (alors même qu’aujourd’hui j’ai assimilé une grande partie de ce jargon), je ne peux pas m’empêcher de me dire que – de l’auteur ou du lecteur – l’un des deux au moins a un gros problème. Et devinez pour qui je tranche, en général, mmmmh ?

Alors c’est vrai, le courant pédagogique dans lequel je me reconnais et m’épanouis le plus passe le plus souvent à la trappe et, du coup, se retrouve injustement ignoré des nombreuses personnes de bonne volonté désireuses de s’intéresser aux choses de la pédagogie, lesquelles passent nécessairement par le prisme quasi obligé de la doxa (mais oui, vous savez, les « milieux autorisés », comme disait Coluche, qui avait compris bien des choses) ! Fort heureusement, aujourd’hui internet est là, pour le meilleur et pour le pire, et il contribue dans bien des domaines à fissurer quelques édifices, et à faire parfois bouger les choses (Dieu merci, je ne suis certes pas le premier blogueur à parler de ces choses-là !).

Pour ma part, le mieux-apprendre est ce qui m’anime et m’aide à faire de tous mes face-à-face pédagogiques de purs moments de bonheur, pour moi et (je l’espère !) pour mes apprenants.

Ce que, faute de mieux, nous appellerons « ce courant » part du principe tout bête qu’on n’apprend jamais aussi bien que lorsqu’on ne s’aperçoit pas qu’on apprend, et qu’à l’instar de Bergson, « Il n’y a pas d’idée (philosophique ou non), si profonde ou si subtile soit-elle, qui ne puisse et ne doive s’exprimer dans la langue de tout le monde. » Son plus grand ennemi est également celui de plein de générations d’enfants. Il s’appelle l’ennui.

Courant ou galaxie ?

Le mieux-apprendre est issu du courant anglo-saxon de l’Accelerative Learning (tiens, les anglophones seront surpris de la moisson qu’ils récolteront, juste en googlant cette expression), qui est maintenant très largement utilisé dans le milieu des entreprises et de la formation personnelle (mais toujours plus ou moins marginalisé par l’université !).

Les fans du mieux-apprendre n’ont en général pas le sentiment de faire partie d’une école, d’une chapelle, et encore moins d’une approche théorique, et ceci pour une raison bien simple : ils s’intéressent bien plus à des notions telles que le bon sens ou l’humour (vecteurs d’apprentissage extrêmement puissants, comme on le verra dans le prochain article).

En général, ils préfèrent dire qu’ils font partie d’une « galaxie », vous savez, cette structure en spirale tournant autour d’un noyau dur, lequel n’est jamais plus qu’un objectif vers lequel on tend…

Ainsi, le mieux-apprendre ne passe pas par les fourches caudines de notre belle Université, pour le simple motif que toute cette galaxie « pas vraiment orthodoxe » n’hésite pas à « picorer » ici et là de nombreuses techniques ou méthodes qui n’ont pas forcément droit de cité chez nos doctes chercheurs. Cela n’empêche pas toutes ces petites « planètes » d’être réutilisées avec succès un peu partout dans le monde, tout simplement par les millions de petites (et moins petites) mains qui vivent dans le cambouis du réel, aussi bien dans le milieu de l’entreprise (formation professionnelle, mais aussi brainstorming, techniques de résolution de problèmes, ou plus généralement ressources humaines), de l’enseignement, de l’éducation des jeunes enfants (allez donc voir du côté des pédagogies dites « décalées ») … jusqu’aux nombreux parents qui de par le monde s’intéressent à la manière dont ils peuvent efficacement venir en aide à leurs enfants pour les devoirs à la maison !

L’exemple du Mind Mapping

Un exemple de ces galaxies ? Le Mind Mapping, mais oui, amis connectivistes, vous avez bien lu ! Le Mind Mapping popularisé par les ouvrages de Tony Buzan, est depuis de nombreuses années largement utilisé, promu, encouragé par les fans du mieux-apprendre. L’époque où il fut à son tour utilisé, repris, et même (…parfois exagérément)  encensé par les « pédagogues patentés » est beaucoup plus récente. Qu’importe, c’est avec bonheur que j’ai vu tant de personnes, blogs, méthodes pédagogiques s’approprier et diffuser cette technique (propriétaire de personne, faut-il le rappeler ?)… technique qui (pour ma part) m’a été enseignée il y a déjà fort longtemps !

Si le terme « Mind Mapping » ne vous dit rien, voici la liste des synonymes les plus couramment employés :

      • Arbre de connaissance
      • Carte Cognitive
      • Carte Conceptuelle
      • Carte euristique
      • Carte heuristique
      • Carte mentale
      • Carte sémantique
      • Constellation d’idées
      • FlowChart
      • Learning Map
      • Mind Map
      • Mind Mapping
      • MindChart
      • MindCluster
      • Mindmapping.
      • Mindscape
      • Schéma euristique
      • Schéma heuristique
      • Topogramme.

La longueur de cette liste vous surprend ? Eh bien, dites-vous bien que cela peut être aussi un signe de bonne santé pour le mind mapping, qui par nature a du mal à se laisser classifier, étiqueter, etc… La liberté est parfois à ce prix 🙂

Ressources sur le mieux-apprendre : comment s’y retrouver dans cet univers « open source » ?

Je reparlerai plus en détail du mind mapping prochainement. Pour ce qui concerne le mieux-apprendre, voici quelques premiers jalons, bons points de départ pour ceux qui seraient en recherche de ressources. Il suffit en effet de googler la plupart des noms apparaissant ci-dessous pour se faire une première idée, tout en gardant bien à l’esprit que les noms cités ici désignent parfois des contributeurs… bien involontaires ! En effet, non seulement le mieux-apprendre est une galaxie, mais c’est aussi un gigantesque Lego dans lequel chacun peut venir puiser à sa guise, ce qui ne nuit aucunement à son efficacité, bien au contraire… tenez, pensez donc à ce qu’est Linux pour le monde des informaticiens 🙂

Quelques noms Commentaires, explications, champs de recherche ou d’application
Tony Buzan Né en 1942, c’est un psychologue anglais connu pour être le créateur du concept de carte heuristique, mas également plusieurs techniques dites de mémorisation totale (SEM3 et « Grand système »)
Georgi Lozanov Médecin et psychothérapeute bulgare (1926-2012). Considéré comme un des pères fondateurs, il est décédé depuis peu. Travaux sur la mémoire et les différents facteurs « facilitateurs » d’apprentissages. Voir http://dr-lozanov.com/
Roger Sperry, Paul Mc Lean et tous les spécialistes des neurosciences. Tout ce que les neurosciences peuvent nous apprendre sur la manière dont se font les acquisitions fait bien entendu le miel des fans du mieux-apprendre, qui s’efforcent d’utiliser toutes ces découvertes dans des applications bien concrètes.
Howard Gardner Né en 1943, Gardner  travaillait à l’origine sur les lésions cérébrales et leurs conséquences. il est aujourd’hui le père de la théorie des intelligences multiples. Il enseigne à l’université de Harvard
Edward de Bono né en1933 à Malte, psychologue et médecin spécialiste en sciences cognitives. Il est connu pour avoir promu la notion de « Pensée latérale ».
Bruno Fürst Bruno Fürst (1891-1965) fut le plus créatif, imaginatif, inventif et fabuleux des facilitateurs  mnémotechniques. Le mieux est d’aller voir cet exemple… (cherchez le titre « La ressource »)
Sivasailam Thiagarajan, alias Thiagi Inventeur génial et pétillant du concept des « Jeux-Cadres » (qui, du moins à mes yeux, ont un lien de parenté criant avec les serious games), Thiagi est aujourd’hui mondialement reconnu.

Voilà. Dans un prochain billet, je me propose de vous parler de Bruno Hourst (qui est le meilleur vulgarisateur, au meilleur sens du terme, de toutes ces notions pour un public francophone). Je vous ferai également partager quelques principes et exemples de ce qu’est le mieux-apprendre, très concrètement.

À bientôt !

Navigation des articles

En silence

Si je me tais, c'est pour écrire

Bernard Lamailloux

La vie est trop courte pour être petite

WordPress.tv

Engage Yourself with WordPress.tv

Emma

Politique, trucs pour réfléchir et intermèdes ludiques

cvpcontrelaviolencepsychologique.wordpress.com/

LA VIOLENCE PSYCHOLOGIQUE CONDUIT À LA DÉPERSONNALISATION ET À LA MORT PSYCHIQUE DE CELUI QUI LA SUBIT. ANNE-LAURE BUFFET

Education relationnelle

Elodie Wiart - Accompagnement relationnel & émotionnel

Bea Dupriez

Chuuuut... plus de bruit...

moocmooc

Partage de projets

Manon Silvant

Keep moving Forward

Secouez le Cours

Éducation et numérique, Bidouilles, Logiciel libre and so on...

Blog de M@rcel

Technologies et Pédagogies, comment les marier ?

Classe maternelle, Gennevilliers

Recherche pour la formation de l'Homme et le développement de ses pleins potentiels

Précieuses

Petits chemins de retour vers soi

Ninannet's Blog

Just another WordPress.com site

Smell of Female

Shoes, Art, Fashion, Illustration

TraducArte

El arte de traducir arte

OSARRO

Une nouvelle voie pour apprendre

existences!

philo poétique de G à L I B E R

Blog d'Anna

Apprentissage des langues en ligne

La vie est large

" La vie est courte mais très large" Jim Harrison

alainsaboret

"Still alive alter all these years" Paul Simon

V E CHRONIQUE

La nouvelle chronique de Véronique Mathio

Le Coq et le Cerisier

promenons-nous au Japon.

Visualisations 3

Aperçu d'informations souvent recueillies dans le monde anglophone de la croissance personnelle

Didac2b

Des outils pédagogiques, des réflexions sur la formation et le e-learning, et beaucoup d'images !

L'espace à zecool

La passion d'apprendre dans le monde aujourd'hui

The blog of blog of blogs

Les aventures d'un ethnologue dans le grand monde

La vie en face

Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse

VousaVezditVirtuel's Blog

Expérimentation partagée de séquences de travail collaboratif et de formations dans un monde virtuel (Openlife) avec le réseau des centres sociaux de France (FCSF). Come and share with us an experimentation of collaborative work in a virtual world (Openlife) with the french Settlements network (FCSF)

ateliers claire lecoeur

ateliers d'écriture de création

le Blog du conectiviste sans n

l'instinct d'apprendre

plerudulier

Recipient of whatever I feel like sharing | Pensées partagées

audece's way

I'm a moocKita

Isabelle Quentin

Usages, numérique, éducation, réseaux d'enseignants, MOOC